De quel œil voyez-vous l’arrivée du DMP et quels seront ses avantages pour vous ?

J’attends le DMP depuis trois ou quatre ans maintenant parce qu’il va répondre à un vrai manque dans la médecine d’urgence. Il va nous permettre d’avoir accès aux informations et antécédents complets du patient, comme ses bilans sanguins, ses radios, ses résultats d’imagerie, ses comptes rendus de consultations.

Aux urgences, nous traitons de nombreux patients présentant des pathologies lourdes et complexes. Il arrive assez souvent qu’ils n’aient pas été soignés dans notre hôpital et que l’on se retrouve confronté à une absence de données antérieures, ce qui est compliqué. Et c’est encore pire en régulation médicale parce que, lorsque vous êtes au téléphone avec quelqu’un qui ne vous donne pas tous ses antécédents, il est impossible d’aller chercher dans toutes les bases de données auxquelles on a accès, notamment les informations hospitalières. Mais avec un DMP que l’on peut ouvrir rapidement et une fiche de synthèse à jour qui nous informe sur les premiers éléments du patient en régulation médicale, ce serait un énorme gain de temps et surtout de réflexion.

En quoi cet outil pourra-t-il améliorer votre travail et la prise en charge des patients ?

On ferait du bien meilleur travail en régulation mais aussi aux urgences car on part parfois dans des considérations nébuleuses, on ne comprend pas toujours tout de suite ce qui arrive au patient. Lorsque nous avons des personnes âgées, dont certaines en démence, qui sont incapables de nous expliquer pourquoi elles viennent, c’est toujours très délicat. Beaucoup de gens ne comprennent pas leur maladie et se rendent aux urgences sans informations. Certains ont des maladies chroniques et sont confrontés à un accident, dans la rue par exemple, et une fois arrivés aux urgences, nous n’avons pas toutes les informations les concernant (diabète, cancer, maladies immunodépressives ou cardio-vasculaires…)

Vous n’imaginez pas la difficulté que représente un électrocardiogramme chez une personne âgée, dont on ne sait pas si elle a toujours été comme ça, si cela dure depuis quatre ou cinq ans, ou bien si c’est quelque chose de nouveau. Ce n’est pas du tout la même prise en charge.

J’avoue que je ne comprends pas très bien l’inertie et l’apathie de mes confrères des « sociétés savantes » vis-à-vis du DMP parce qu’il me semble que ce dispositif aurait justement dû être poussé, voire même exigé par les urgentistes.

Lorsque j’ai découvert cet outil, je me suis tout de suite dit qu’il me le fallait. D’autant que notre région dispose d’un tissu important d’hôpitaux, grosses cliniques, un gros centre de cancérologie. Quand cela se passe mal à quatre heures du matin ou un dimanche après-midi, c’est sur moi que cela retombe et je n’ai pas les éléments.

Pour un urgentiste comme vous, le DMP permettra-t-il un gain de temps et une amélioration du temps d’attente aux urgences ?

Le temps d’attente aux urgences ne sera pas forcément réduit mais le DMP permettra une meilleure qualité de la réflexion médicale et la pertinence des examens que l’on pourrait demander en fonction de la connaissance du patient. Au niveau de la prise de décision, c’est également primordial.

Propos recueillis par Gil Beucher pour Icanopee © 2018

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