Que pensez-vous du dossier médical partagé dont la généralisation est relancée pour la fin de cette année ?

Le DMP est une idée géniale mais qui a été très mal vendue. Pourtant, il aurait dû être adopté par tout le monde sans hésiter. Comme tous les outils informatiques, il faut qu’il réponde à un usage et qu’il soit interactif. C’est ce qui peut expliquer l’échec de sa tentative de développement mais qui sera sans doute le levier de sa réapparition : tout d’abord comment répondre à l’usage des praticiens par un outil adapté et deuxièmement comment faire en sorte qu’il soit le plus simple possible, facile d’accès pour les patients et pour les professionnels de santé.

C’est une base de données médicales concernant chaque patient accessible 24h sur 24 en tout lieu médical. C’est dire si c’est utile ! En transversalité entre médecine libérale, hospitalière, généralistes et spécialistes, on y trouve tous les documents à jour et bien classés. Pour qu’il soit pleinement efficace, il faut qu’il réponde vraiment à un usage, qu’il soit accompagné et que l’on sache identifier les freins auxquels les praticiens peuvent être confrontés. La grille d’habilitation permet la mise en place de pages partagées avec les infirmiers, par exemple. Telle personne peut voir telle chose à différents niveaux et différents droits d’accès à certaines données. Par exemple la gestion des anticoagulants et de l’insuline pour le traitement à domicile. Il pourrait aussi y avoir une page partagée entre le mlédecin et le kinésithérapeute pour des besoins particuliers ou encore entre la psychiatrie et la médecine générale ce qui permettrait d’éviter un certain confinement de cette spécialité et de lever certaines peurs chez le patient.

Quels types de pathologies justifient le plus le recours au DMP ?

Là où il prend toute sa valeur, ce sont toutes les pathologies qui entraînent et nécessitent de nombreux documents et beaucoup d’intervenants. Toutes les pathologies chroniques, le diabète, la cancérologie, les pathologies cardiovasculaires mais aussi la psychiatrie qui a été la grande oubliée du DMP. Or, c’est quelque chose qui accompagne le patient sur toute sa vie, y compris sur les impacts psychosomatiques.

Etes-vous prêt à l’utiliser ?

En tant que médecin généraliste très « branché nouvelles technologies » je me suis lancé très tôt dans ce système. On en a ouvert beaucoup à la maison médicale et en tant que chargé de mission dans ce domaine à l’Union régionale des médecins libéraux Poitou-Charentes j’ai pu me rendre compte des freins et des leviers du dispositif.

Alors, comment le rendre encore plus pratique ?

On aurait envie de revenir en arrière pour le simplifier beaucoup. Il a déjà été amélioré mais prenons par exemple le besoin que peut avoir un médecin de consulter le DMP en dehors de la présence d’un patient, hors d’une consultation. Or, pour l’instant ce n’est pas possible, sauf en mode « bris de glace » qui me paraît, comme son nom l’indique, constituer une sorte d’effraction. Parfois on note deux mots sur un dossier en cours de consultation mais on peut ensuite avoir besoin d’y revenir pour ajouter des éléments ou se les remémorer. Une donnée médicale nouvelle (résultats d’examens prescrits par exemple) devrait pouvoir être ajoutée au dossier. Cela augmenterait la praticité de l’outil et affinerait l’usage par le praticien. Plus on avancera dans ce sens et plus les professionnels de santé y adhèreront.

Un outil qui doit être pratique et utilisable au quotidien doit pouvoir être facile à expliquer et à comprendre. Le logiciel pourrait être accompagné d’un tutoriel et qu’il soit le plus intuitif possible, ce qui n’est pas encore le cas. Le DMP remonte à 2004, tous les médecins en ont forcément entendu parler et il passe un peu pour un serpent de mer. Tous les médecins un peu intéressés ont déjà entendu parler du dossier de liaison d’urgence (DLU) et du volet de synthèse médicale (VSM). Tout ça, c’est très bien mais cela représente un temps important à passer et ce n’est pas nomenclaturable (*). Si le DMP pouvait être nomenclaturable, ce serait une incitation très forte à son développement.

Que faut-il faire pour que le DMP entre vraiment dans les mœurs ?

C’est simple : il faut le rendre indispensable. On comprend que sous la forme où il a été créé et présentée au niveau des praticiens, il y avait peu de chance qu’il fonctionne. C’était une chronique d’un échec annoncé. 80% des praticiens en ont vraiment besoin et c’est parce que les 20% restants n’ont pas été pris en compte au départ qu’il n’a pas pu se développer à l’origine. Si tous les besoins sont pris en compte et intégrés de façon simple, personnalisée et ergonomique, le DMP sera une réussite. Tous les freins qu’il connaît, il est possible de les transformer en atouts pour l’améliorer et pousser tous les praticiens (et les patients) à l’adopter. Par ailleurs, c’est une aberration que le dossier pharmaceutique (DP) soit indépendant du DMP ! Il est indispensable de les faire converger en les rendant interfaçables. Avoir d’un côté un dossier qui gère les médicaments et d’un autre un dossier qui gère tout le reste, c’est une ineptie. Le médecin n’a pour l’instant que le système Ameli (assurance maladie) pour avoir accès aux traitements passés et en cours mais ce n’est pas du tout pratique.

(*) Acte susceptible d’être valorisé et tarifé.

Recueilli par G.B.

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